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« Seigneur, c'est Patton
qui vous parle. Les quatorze derniers jours ont été terribles. Pluie,
neige, encore de la pluie, encore de la neige… et je commence à me
demander ce qui ne va pas à votre quartier général. De quel côté
êtes-vous en fait ?
Depuis trois ans, mes prêtres expliquent que c'est une guerre
religieuse. Ils me disent que c'est une croisade, avec comme seule
différence que nous chevauchons des tanks au lieu de chevaux. Ils
insistent pour que nous détruisions l'armée allemande et cet athée
d'Hitler, afin que la liberté de religion revienne en Europe.
Jusqu'à présent je les ai suivis, d'autant que vous nous avez aidés sans
réserve. Ciel bleu et mer calme en Afrique ont aidé à rendre notre
débarquement facile et à éliminer Rommel. La prise de la Sicile fut
relativement aisée, et vous nous avez donné un temps parfait pour notre
poussée blindée à travers la France, la plus grande victoire militaire
que vous m'ayez accordée. Vous m'avez souvent donné d'excellents
conseils dans mes difficiles décisions de commandement, et vous avez
précipité les unités allemande dans mes pièges, ce qui a rendu leur
élimination vraiment facile.
Mais maintenant vous avez changé les chevaux sur l'obstacle. Vous me
semblez avoir donné à Von Rundstedt le feu vert et franchement, il est
occupé à nous fiche dehors. Mon armée n'est pas entraînée, ni équipée
pour la guerre en hiver. Et comme vous le savez, ce temps convient mieux
aux Esquimaux qu'à des cavaliers sudistes.
Au fait, Seigneur, je commence à penser que je vous ai offensé en
quelque façon. Que brusquement vous avez perdu votre sympathie pour
notre cause. Que vous êtes de connivence avec ce Von Rundstedt et son
pantin.
Vous savez, sans que j'aie besoin de vous le dire, que notre situation
est désespérée. Évidemment, je puis affirmer à mon état-major que tout
va comme prévu, mais ai-je besoin d'ajouter que la 101 eme Aéroportée
est opposée à de terribles gaillards à Bastogne, et que ces tempêtes
continuelles rendent impossible un ravitaillement par air ? J'ai bien
envoyé Hugh Gaffey, un de mes plus capables généraux, avec sa 4 eme
Division Blindée, vers ce nœud routier important pour secourir la
garnison encerclée, mais il a plus de mal avec votre fichu temps qu'avec
les boches !
Je n'aime pas me plaindre inutilement, mais mes soldats ont vraiment
souffert le martyre de la Meuse à Echternach. Aujourd'hui encore, j'ai
visité plusieurs hôpitaux, tous pleins de gens gelés, tandis que les
blessés restent étendus sur les champs, parce qu'on ne peut pas les
ramener pour leur donner des soins.
Mais ce n'est pas encore le pire de la situation. Le manque de
visibilité, les pluies continuelles, ont totalement paralysé mon
aviation au sol. Ma technique de combat exige une aide précise des
chasseurs-bombardiers, et si mes avions ne peuvent voler, dites-moi
comment je puis les utiliser comme artillerie aérienne ? Ce n'est pas
seulement une déplorable situation, mais pire encore, mes avions de
reconnaissance n'ont pas pris l'air depuis quatorze jours, et je n'ai
pas la moindre idée de ce qui se passe derrière les lignes allemandes.
Sacrebleu, Seigneur, je ne puis combattre une ombre ! Sans votre
coopération avec le temps, je suis privé d'un atout, et comment puis-je
conduire des attaques valables ? Tout cela vous paraîtra probablement
irraisonnable, mais j'ai perdu toute patience avec vos prêtres qui
essaient de me persuader que c'est un hiver typique de ces Ardennes, et
que je dois avoir confiance.
Au diable, confiance et patience ! Vous n'avez qu'à choisir de quel côté
vous êtes. Vous devez venir à mon aide, afin que je puisse liquider
l'armée allemande au complet, et l'offrir comme cadeau d'anniversaire au
petit Jésus. Seigneur, je n'ai jamais été irraisonnable. Je ne vous
demande pas l'impossible. Je ne demande même pas un miracle, seulement
quatre petits jours de beau temps.
Donnez-moi quatre jours clairs et ainsi mes avions pourront voler, ainsi
mes chasseurs-bombardiers pourront les bombarder (et leur donner une
bonne correction), ainsi mes avions d'observation pourront indiquer les
objectifs à ma splendide artillerie. Donnez-moi quatre jours de soleil
pour sécher cette fichue boue, ainsi mes tanks pourront rouler, ainsi
les munitions et les rations pourront arriver à mes fantassins affamés
et mal équipés. J'ai besoin de ces quatre jours pour envoyer Von
Rundstedt et son armée de mécréants vers leur valhalla.
Je suis malade de cette boucherie inutile de jeunes Américains, et en
échange de ces quatre jours de temps propice au combat, je vous
fournirai suffisamment de boches pour tenir vos comptables occupés
pendant des mois à leur travail.
Ainsi soit-il. »
Traduction du teste original de la prière du Général Georges Patton
Jr publiée pendant l'offensive des Ardennes. Cette prière fut écrite par
Patton dans la chapelle de la « fondation Pescatore » à Luxembourg,
quelques jours avant la Noël 1944.
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